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Les meilleurs films selon l'élite de la culture

Introduction

La catastrophe était annoncée, le naufrage inéluctable. Télérama annonçant une liste des meilleurs films de tous les temps sonne à mes oreilles comme la nouvelle d’une troisième guerre mondiale. Une nouvelle peu réjouissante donc, mais aussi une belle occasion d’en découdre avec les forces du mal.

Bien évidemment, je ne suis pas abonné à Télérama. Il m’était donc théoriquement impossible d’accéder à cette liste. Je tiens alors à remercier grandement tous ces héros de l’Internet moderne, qui ont rendu public ce top sur divers sites gratuits.

Décortiquons ensemble les films préférés de l’élite culturelle française. (vous pouvez trouver le top ici)


La France, et pas n’importe laquelle, la France de la nouvelle vague

À la suite de ma première lecture de cette liste, ce qui m’a sauté aux yeux est le nombre effarant de films français qu’elle contenait. Je sais que notre pays a, ou plutôt avait, un cinéma reconnu à l’international.
Mais tout de même, il y a trop de films français dans cette liste, presque une trentaine sur cent, et quasiment tous issus de la nouvelle vague.

Le problème n’est pas que les journalistes de Télérama aiment le cinéma français, et particulièrement la nouvelle vague. Le problème est qu’ils manquent d’horizon, ils ne dépassent pas les frontières culturelles qu’ils se sont eux-mêmes imposées.

La nouvelle vague est importante, elle a inspiré des cinéastes du monde entier, et son impact se ressent encore aujourd’hui. Sa vocation émancipatrice, son dynamitage des codes établis, sa dimension sociale, tout cela fait de la nouvelle vague un moment important de l’histoire du cinéma.

Cependant, ils auraient pu poser leur chauvinisme de côté pour mettre en avant des cinémas moins reconnus chez nous, mais tout aussi intéressants. Je pense notamment au cinéma asiatique, excessivement sous-représenté avec seulement deux films sur cent.

Je suis pourtant sûr qu’il y a amplement autant à tirer du cinéma japonais, hong kongais et coréen que de la nouvelle vague.

Mais ce chauvinisme culturel, cette adulation d’un certain cinéma, n’est pas le problème principal de cette liste.


Où est tonton Steven ?

Journalistes de Télérama, esthètes à la culture parfaite, je n’aurais qu’une question pour vous : Où est tonton Steven ? Où est Steven Spielberg ? Enfin, soyons sérieux et objectifs quelques instants. Steven Spielberg, c’est le réalisateur qui a rapporté le plus d’argent au box-office.

C’est le réalisateur qui révolutionne le cinéma, ou au moins une technique de cinéma, tous les dix ans environ. C’est le mec qui pond deux chef d’oeuvres interdimensionnels la même année en 1993.

C’est un des plus grands, si ce n’est le plus grand, réalisateur de tous les temps. Sans déconner Télérama, pas un seul film de Spielberg dans cette liste, ce n’est pas possible.

Au moins Les Dents de la mer, film qui a ressuscité le blockbuster. Sinon, La Liste de Schindler, lauréat des Oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur.

Ou encore Munich, une des immenses claques cinématographiques des années 2000. En plus dans Munich, il y a plein de français, ça devrait vous plaire.

Je prends Steven comme exemple des manques évidents de cette liste, mais c’est loin d’être le seul.
Où est Kurosawa, celui que le cinéma américain a tant pompé ?
Où est Miyazaki, le gars qui fait rêver, rire, pleurer des générations entières avec des dessins ?
Où est Méliès, le pionnier des effets spéciaux, génie indépassable du début du XXème siècle ? En plus, il est français !

N’aurait-il pas été plus intéressant d’enlever quelques films de cette liste, en se limitant à un film par réalisateur par exemple, afin d’insérer un peu plus de diversité ?
Enfin, il n’y a pas que certains réalisateurs qui ont été oubliés, il y a aussi vingt ans de cinéma tout entier.


Les années 2000, c’est bien aussi

l y a en tout sept films des années 2000 à 2020. Ainsi, 7% de la liste représente 16% de l’histoire du cinéma. Et seulement deux films pour les années 2010. Pourtant l’industrie cinématographique a été très prolifique depuis le début du siècle, et pas avare en excellents films.

Le cinéma indépendant américain a produit des pépites.
Boyhood, un film tourné sur une période de 12 ans, retraçant l’histoire personnelle d’un jeune américain, en parallèle de l’histoire des Etats-Unis.
Prisoners de Denis Villeneuve, un thriller du niveau des plus grands, aussi bon qu’un Silence des Agneaux.
Whiplash, un duel impitoyable entre un élève et son professeur de batterie, une œuvre sur l’obsession de la perfection.

Le cinéma coréen a commencé à recevoir un rayonnement international. Park Chan Hook et Bong Joon Ho se sont révélés comme étant des très grands réalisateurs.
Old Boy et Parasite ont été récompensés à Cannes. Et ce sont loin d’être les deux seuls très grands films qui ont été produits en Corée depuis le début du siècle.

Mais surtout, le grand film du siècle pour le moment, le chef d'œuvre ultime du blockbuster d’action, n’est pas dans la liste. Une œuvre somme, totale, l’expression de la plus pure grammaire cinématographique. Une claque monumentale, du plaisir à l’état brut, du crack sur pellicule.
Mad Max : Fury Road, est une leçon. Il mérite amplement de faire partie de cette liste des meilleurs films de tous les temps. Beaucoup plus en tout cas que Winter Sleep, film que tout le monde a déjà oublié, sauf les journalistes de Télérama évidemment.


Conclusion : c’était sûr en fait

Il était évident que cette liste des meilleurs films selon Télérama ne pouvait être bonne. Obnubilé par un cinéma daté, social et, soyons honnête, chiant comme la pluie, ils n’ont même pas essayé de s’approcher d’une quelconque forme d’objectivité.

Tout n’est, bien sûr, pas à jeter. J’apprécie la présence de Blade Runner, The Social Network et Certains l’aiment chaud. M le Maudit, Mulholland Drive ou encore Voyage au bout de l’enfer mérite évidemment d’y être.

Finalement, cette liste représente bien la pensée Télérama, voir la pensée du monde de la culture élitiste française toute entière. Un monde dans lequel Star Wars ou Le Seigneur des Anneaux ne sont pas à considérer comme des grands films. Un monde dans lequel un illustre écrivain, Jean D’Ormesson, peut dire sur un plateau de télévision : “Quand cela a du succès, c’est rarement bon”, en évoquant Harry Potter, une saga fondatrice de la fantasy pour adolescent / jeune adulte, aux qualités narratives indéniables, qui a fait rêver des millions de lecteurs.
Un monde dans lequel seul importe les anciens chefs-d'œuvre nationaux, et ou tout ce qui est nouveau n’est bon que s'il fait référence à ces fameux chefs-d'œuvre.

Je terminerai sur une citation de Quentin Tarantino : “Il existe deux types de cinéphiles, ceux qui aiment les films, et ceux qui aiment les films qu’ils aiment.”. Télérama est clairement dans la deuxième catégorie.