Des jeux pour tout le monde

Trouvons le jeu qui vous convient

Introduction

Le jeu vidéo est un art jeune, mais il possède déjà une diversité stylistique immense, bien plus que ces vieux cousins comme le cinéma ou la littérature. Ainsi, je suis intimement persuadé que dans toutes ces diverses approches du médium vidéoludique, il en existe forcément une qui vous plaira.

Nous allons d’abord faire un bref récapitulatif de ce qui fait la spécificité du jeu vidéo sur les autres formes d’art, avant d’établir une liste de jeux intéressants et divers, en espérant que vous trouverez votre bonheur.


Un art interactif et performatif

Cela ne vous aura pas échappé, le jeu vidéo se joue. Il demande donc une action du spectateur, qui devient joueur et actif de son expérience artistique. Ainsi, contrairement au cinéma, à la musique, ou à la littérature, le jeu vidéo met son public au cœur de son expérience en le faisant interagir physiquement avec l'œuvre.

Vous me rétorquerez peut-être qu’un livre réclame lui aussi une action physique du lecteur. Je vous répondrai que la manière que vous avez de tourner les pages n’influence que très peu (pas du tout) le fond et la forme littéraire de l'œuvre.

Là où le jeu vidéo tire son épingle du jeu, c’est qu’il est contraint par le public. Si vous êtes un joueur et que vous décidez de ne rien faire dans le jeu, ce dernier n’avance pas.

A l’inverse, un film continue de se dérouler que vous soyez attentif ou non. Alors, vous me direz peut-être que vous êtes actif car c’est vous qui lancez le film et que vous êtes libre de le mettre sur pause à n’importe quel moment. Je vous répondrai que vous n’influencez en aucun cas le film, mais le support de lecture de ce dernier, là où les joueurs influencent directement le jeu.

C’est ce qui fait que les visionnages d’un film sont factuellement les mêmes pour tout le monde, là où chaque partie d’un même jeu vidéo est unique.


Puisque le jeu se joue, il trouve sa spécificité dans cette interaction. Chaque art a sa ou ses spécificités. Ainsi, le cinéma les trouve dans le montage des images et la mise en scène via la caméra, la musique dans les rythmes et les mélodies, la littérature dans le récit uniquement par le texte …

Le jeu vidéo a comme spécificité “la mise en place de règles dans l’interaction entre un joueur et un espace virtuel”, autrement appelé gameplay, de l’anglais “how the game plays”. La gameplay définit donc toutes les règles du jeu, tout ce que le joueur va pouvoir faire dans l’univers virtuel créé par les développeurs, et c’est au travers de ce prisme qu’il faut avant tout analyser le jeu vidéo.


Enfin, un système de règles implique un certain niveau de compréhension requis et de difficulté, c’est pour cela que les jeux sont performatifs, à savoir qu’ils demandent certaines capacités chez le joueur.

Ce qui est intéressant, c’est que l’on performe toujours face à quelque chose que l’on doit dépasser. Ce peut être un ou des adversaires, le jeu ou encore nous même. Cela pousse les joueurs à progresser dans la pratique de l’art ludique, et donc inconsciemment dans la compréhension des mécaniques de cet art.

Le problème, c’est qu’un joueur n’ayant pas les compétences pour un jeu ne pourra tout simplement pas en venir à bout, et pourra être dégouté si la résistance opposée est trop forte. Ainsi, si certains jeux de société peuvent rebuter par leur complexité théorique et mécanique, les jeux vidéos peuvent en plus rebuter par une limite physique, certaines œuvres exigeant une dextérité et des réflexes poussés.

Bien que je pense que n’importe quel jeu peut être terminé par n’importe qui sous réserve d’un certain entraînement, je crois aussi que la difficulté théorique et physique du jeu vidéo ne joue pas en sa faveur pour sa démocratisation, et c’est bien dommage.

C’est pour cela que les jeux sélectionnés dans la liste qui va suivre sont, autant que faire se peut, abordables par tout le monde.


Gris : la claque artistique

Allez lire mon article sur Gris : Gris l’universel


Le Jeu où on casse le Jeu : Baba is you

Baba is you est un jeu indépendant qui possède un système de jeu basé sur la modification de ses propres règles. Il est sorti le 13 Mars 2019 et est conçu par Arvi Teikari, un Finlandais.

Baba is you n’est pas très accueillant aux premiers abords. Il n’est pas très beau, voire plutôt austère. Son point fort réside dans son Gameplay. En effet, le but est d’altérer les règles du jeu afin d’atteindre la fin de chaque énigme. Pour cela, il faut déplacer des briques de textes, qui, une fois assemblées, constituent une phrase qui devient une règle du tableau.

Prenons un exemple, chaque tableau contient la phrase « Baba is you » constitué des briques « Baba », « is », et « you ». Cette phrase indique que le joueur déplace le personnage Baba.
Cependant, si une brique de texte « Rock » est présente sur la carte, en la déplaçant jusqu’à pousser Baba et le remplacer par Rock, vous allez obtenir la phrase « Rock is you », vous allez donc jouer le/les rochers présents sur la carte.

Une idée de Game Design brillante qui offre son lot de possibilités pour boucler chaque niveau et qui saura mettre votre esprit à rude épreuve.


La Science-Fiction interactive : The Red Strings Club

The Red Strings Club est un jeu indépendant créé par le studio Deconstructeam et édité par Devolver Digital (qui ont aussi édité Gris), sorti le 22 Janvier 2018.
On y incarne trois personnages dont le point commun est le bar « The Red Strings Club ». En effet, on commence par jouer une androïde qui finira par travailler dans le bar, puis le patron de l’établissement, et enfin son meilleur ami, un hacker qui se rebelle contre le système.

Chaque personnage possède son propre gameplay, ils sont tous intéressants mais hélas peu étoffés. Mais ne boudons pas notre plaisir, les jeux possédant autant de diversité de game design sont rares. Une fois n’est pas coutume dans le monde du jeu vidéo, c’est pour le scénario que The Red Strings Club vaut le détour. Personnages attachants, intrigue bien rodée, véritable réflexion sur le transhumanisme et le développement des corporations, tout ce qui fait un bon scénario de SF est là.

La petite subtilité est qu’on est dans un jeu vidéo, ce qui permet une interaction, des choix, et donc plusieurs embranchements de scénario. Rien d’exceptionnel, l’histoire ne va pas changer du tout au tout, mais les différentes possibilités sont toutes intéressantes et confrontent le joueur à ses choix, ses réussites et ses échecs.

Bref, une excellente aventure narrative, sans prise de tête niveau gameplay, qui ravira tous les amoureux de K Dick, Asimov ou Gibson.


Firewatch : Profiter du décor et discuter

Firewatch est un jeu indépendant développé par Campo Studio et sorti en 2016. C’est un Walking Simulator, c'est-à-dire un jeu dans lequel le principal de l’action consiste à marcher. Si cela est assez faible en terme de jeu, ce n’est pas le cas du scénario et des personnages, qui sont très travaillés.

En effet, Firewatch est presque plus une expérience narrative qu’un jeu vidéo à proprement parler. Nous incarnons Henry, un quarantenaire ayant obtenu un boulot saisonnier de garde forestier à Yellowstone. Pendant toute l’aventure, nous serons guidés par Delilah via talkie-walkie, la patronne d’Henry, qui va se révéler drôle et touchante.

Finalement, Firewatch est une aventure introspective pour notre héros. Au travers de notre périple et de nos discussions avec Delilah, nous allons découvrir Henry tout autant qu’il va se découvrir lui-même.
En plus d’admirer les fantastiques décors et diaporama du jeu. Henry, comme le joueur, se laissera guider par une narration environnementale bien pensée, de la lumière d’un autre être humain qui semble être dans le parc à un soutien gorge trouvé sur la route. Ces évènements apporteront des remarques de la part de nos deux protagonistes, souvent non dénuées d’humour.

Si vous voulez une expérience narrative immersive sur des sujets adultes en plus d’une belle balade en forêt, foncez sur Firewatch !


Return of the Obra Dinn : enquête dans des tableaux figés

Return of the Obra Dinn est un jeu indépendant développé par Lucas Pope et sorti en 2018. Début XIXème siècle, vous incarnez un assureur chargé de trouver la cause de la mort de tous les membres d’équipage de l’Obra Dinn, un bateau qui a mystérieusement refait surface après des années en mer.

Équipé d’un registre contenant le nom de tous les membres d’équipage, de deux gravures montrant des scènes de vie et d’une montre permettant d’assister à la mort d’un personnage, vous devez trouver chaque cadavre pour en identifier la mort à l’aide de votre montre.
Cela se matérialise sous la forme d’un moment figé où vous pouvez vous balader, en trois dimensions, autour de la scène de crime. Vous êtes comme transporté dans un tableau, mais en 3D.

L’enquête est quelque peu retorse, et de nombreux retournements de situation vous attendent. Mais si vous avez envie de jouer les détectives funestes, ce jeu est fait pour vous.

Je sais que l’aspect graphique du jeu peut rebuter, si c’est votre cas, faites l’effort de passer au-dessus de cela, vous ne le regretterez pas !


Pikuniku : fable débile anticapitaliste

Pikuniku est un jeu indépendant, sorti en 2019, développé par Sectordub et édité par Devolver Digital. Dans Pikuniku vous incarnez une petite boule rouge à deux pattes qui va vivre des aventures rocambolesques, en tentant de contrer le plan machiavélique de Mr Sunshine !

Pikuniku est un jeu très atypique. Souvent débile, aussi bien par son scénario, son contexte ou la résolution des énigmes, il recèle quelques surprises et de vraies belles trouvailles de gameplay. En plus de porter un discours anti-capitaliste plutôt bien amené, le jeu porte un humour absurde, jouant habilement avec les attentes du joueur.
En fait, les mots qui qualifient au mieux cette étrange œuvre sont “débilement géniale”. C’est-à-dire que le jeu est très con tout en étant très fin, et ce dans tous les aspects du jeu.

Si vous avez envie de passer un super moment, seul ou à plusieurs, je vous invite grandement à jouer à Pikuniku. Vous allez rire du début à la fin de la connerie du jeu, tout en étant émerveillé par des trouvailles assez brillantes en termes de gameplay.
Bref, Pikuniku, une expérience assez unique et rafraîchissante.


Donut County : Les trous de la cruauté

Donut County est un jeu indépendant, sorti en 2016, développé par Ben Esposito et édité par Annapurna Interactive. Dans Donut County vous jouez un raton laveur qui livre des “Donuts” à ses clients. Derrière le mot “Donut” se cache un trou béant dans le sol, qui ne cesse de grandir, et aspire tout sur son passage.

Vous incarnerez donc le trou, qui grandit au fur et à mesure que vous aspirez des objets. Ainsi, vous commencerez par engloutir des ustensils, brindilles ou pièces, puis des chaises, tables ou poubelles, enfin vous finirez par absorber votre client et son habitation.
Si le principe du jeu est, il faut le reconnaître, assez con en surface, forcé de constater que le concept propose de belles idées de gameplay et des moments assez fendards. Le jeu est globalement très drôle, mais à aussi ses petits moments d’émotions.

Bref, Donut County est un jeu fabuleux, drôle, parfois subtil, engagé. Pas prise de tête pour un sous, ce jeu vous fera passer à coup sûr un excellent moment.


Gorogoa : puzzles picturaux

Gorogoa, développé par Jason Roberts et sorti le 14 décembre 2017, est un jeu indépendant où l’on résout des puzzles au sein de différentes peintures. Durant l’intégralité du jeu vous avez devant vous quatre cadres contenant chacun une peinture.
En interagissant, superposant ou zoomant au sein des tableaux, vous allez pouvoir résoudre les différentes énigmes du jeu.

Les différentes peintures avec lesquelles vous allez jouer sont toutes magnifiques. La musique est très relaxante. C’est un jeu qui ne vous demandera jamais d’être rapide ou de faire des manipulations complexes.
Ce que ce dernier propose, ce sont de supers énigmes, parfois assez tordues, dans un cadre sublime et reposant.

Je suis fasciné par le nombre de puzzles différents que propose une même mécanique de jeu tout au long de l’aventure. Amoureux de problèmes qui mettront votre cerveau à rude épreuve, jetez vous sur Gorogoa.


Conclusion

Vous l’aurez sûrement remarqué, je n’ai évoqué que des jeux indépendants, c'est-à-dire des jeux qui n’ont pas été produits / commandés par un éditeur majeur. Si j’ai choisi de mettre uniquement ces jeux, c’est pour montrer la diversité incroyable de la scène indépendante vidéoludique.

On entend trop souvent parler des gros jeux au budget pharaonique, ce qui contribue grandement à donner une mauvaise image au médium. Effectivement, si vous ne voyez que la partie émergée de l’iceberg vidéoludique, je comprend que vous ne soyez pas attiré par le médium.

Mais je vous conseillerai d’être curieux et de gratter un peu la surface, vous pourriez trouver des jeux, sans grandes ambitions, pas cher, à la campagne marketing inexistante, qui sont des petits chefs-d'œuvre et qui vous marqueront par leur concept ou leur narration. Au sein de ce magnifique paysage vidéoludique, vous trouverez forcément un jeu pour vous.